Transmutations

Performer (avec/dans) un Mouvement –

(a bilingual introduction – English to follow below)

Qu’est-ce que veut dire l’expression « performer avec un mouvement » – ou « performer dans un mouvement » ? Par quels moyens s’y engage-t-on? Lors du printemps 2012, ces questions ont été au centre des préoccupations de plusieurs d’entre nous au Québec. Au delà du refus des étudiants d’accepter une augmentation de 80% des droits de scolarité, un soulèvement citoyen s’est inscrit dans un mouvement de contestation face à la marchandisation du savoir, à la privatisation des services sociaux et au bâillonnement de la liberté d’expression. Une réflexion concernant le rôle de l’éducation dans la société, comme un désir de promouvoir une transformation sociale, a fait surface. Ce qui a débuté comme grève étudiante est devenu un vaste mouvement populaire s’étendant dans les rues de la province, appelant la participation de gens venus de différents groupes sociaux, plantant ainsi le décor d’une performance dans laquelle les rues et les réseaux sociaux sont devenus, à tout moment, une scène sur laquelle se sont manifestées nos actions et notre présence. La question du « comment performer » (ou ne pas performer) dans le mouvement en plein essor a été posée chaque jour pendant plus que six mois par les étudiants en grève, les professeurs en appui aux étudiants pour une éducation accessible, les artisants, les militants et les artistes voulant contribuer à la création d’une vision collective. Au cours du printemps québécois, alors que plusieurs d’entre nous ont senti le poids des impératifs – des expressions performatives d’un langage fréquemment utilisé voulant faire des universités de nouvelles d’entreprises où l’on calcule la valeur du travail académique – plusieurs d’entre nous ont vu également se déployer des techniques performatives de transformation sociale. De telle sorte que nous nous sommes trouvés devant la renégociation du « performatif » en tant que manière de jouer un rôle actif dans la sphère sociale. Cette implication nous a conduit collectivement à la redéfinition d’une identité sociale multiple : étudiant/professeur/organisateur/citoyen/créateur, nous avons dû ruser de tactiques de création visant, par nécessité, la désobéissance et la résistance. Par le biais de ces multiples tactiques, nous avons vu des collectifs se développer et permettre aux gens de se joindre à la protestation. Des actions se sont répétées, accumulant une force vers la transmutation des conditions matérielles et des espoirs ayant servi à générer et à actualiser une vision collective. En d’autres mots, ces formes de productions activistes et artistiques nous ont offert aussi de nouvelles façons de penser le travail (le travail n’est pas « gratuit » ou comment dépense-t-on notre temps ?), incluant une nouvelle sorte d’implication dans la communauté. C’est qu’en fait le mouvement qui a traversé les espaces publics de la province ainsi que les espaces virtuels, dont les idées, les techniques et les charges affectives ont été les vecteurs, continue, notamment dans les sites web, de jouer un rôle d’archive pour la résistance. Aussi, nous n’approchons pas l’archive, comme processus vivant itératif, seulement pour garder une trace des événements d’un « temps passé », mais pour offrir l’espace d’un site de (re)performance et pour la (re)performance. Le printemps québécois fait partie d’une histoire de réseaux toujours vivants de résistance sociale au Québec, incluant les grèves étudiantes précédentes et d’autres grandes manifestations sociales et politiques comme les manifestations contre la guerre en Iraq. D’un point de vue plus large encore, le mouvement en rejoint d’autres, et répète des techniques de protestations comme les cacerolazo du Chili et de l’Argentine : les casseroles dans nos quartiers. Ce numéro spécial, le premier de la revue, lance une vision qui, si elle a germé en sourdine pendant des années, est née de ce soulèvement d’énergie collective sans précédant, puis de cette entrée dans un nouveau type de « performance ». Nous souhaitons mener une réflexion au sujet des interventions déployées afin de les offrir au lecteur/spectateur/citoyen, ici, au Québec et ailleurs dans le monde. En lançant ce numéro, nous avons fait ce que tant d’autres ont fait pour établir et renforcir ce mouvement maintenant célèbre sous le signe du carré rouge ; nous avons formé un collectif et avons tendu la main aux autres. Nous sommes des étudiants et des professeurs, des artistes et des intellectuels, francophones et anglophones venant des universités qui traversent rarement les deux solitudes des langues, et nous performons aussi à l’extérieur des structures universitaires. Ce numéro a lancé un appel aux autres à partager et à réfléchir aux travaux produits pendant le printemps 2012, puis à générer de nouvelles interventions. Il est polyphone comme le mouvement lui-même. Les «performances» de la revue prennent diverses formes : essais, vidéos, installations, chansons, poèmes, performances (art), marionnettes, etc. Le numéro a aussi été créé à partir d’un concept de « boule de neige », chaque intervention agissant comme une préparation de et pour l’avenir. De cette manière, de nouveaux travaux s’ajouteront aux interventions figurant déjà dans le numéro. Nous avons fait le lancement le 22 mars, anniversaire de la première « grande » manifestation (~300 000 personnes) contre la hausse des frais de scolarité. La revue a vu le jour également dans un contexte de manifestations contre la brutalité policière, contre l’indexation des frais de scolarité, et dans le souhait de construire une société plus libre et équitable. Les nouvelles œuvres paraîtront chaque vendredi dans ce même numéro jusqu’au 22 avril. Restez à l’écoute, revenez et joignez vous à nous.

To Perform (in/with) a Movement

What does it mean to perform a movement – or to perform in a movement? In the spring of 2012 these questions were at the forefront for many of us in Quebec. Instigated by the categorical refusal of students to accept a proposed 80% tuition hike, the issues at stake were much broader, encompassing concerns for increasing austerity measures, the privatization of social services, freedom of expression and political organization. Questions were quickly brought to the surface concerning what role education serves and the potential of enacting social transformation. What began as a student strike rapidly grew into a large-scale popular movement, extending into the streets across the province, with broad-based participation from people in nearly every sector, setting the scene for performance —at any moment the city was a potential stage for action. The question of how to perform (or not perform) with the burgeoning movement was a question whose answer was collectively lived and experimented with everyday for over six months: as students on strike, as teachers who wished to support the students and the future of accessible education, as artists who wished to contribute to the creation of a collective vision, as those living under conditions of increasing austerity. Over the course of the printemps québécois and its aftermath, as many of us feel the weight of the imperatives of a language of “performance”, frequently deployed to rebrand universities as corporate spaces and to assess the relative worth of academic labour, we have also been leveraging performative techniques of social transformation. We lived the re-negotiations of “performance” in, both, the sense of performing one’s role or identity as a multiple of student/professor/leader/citizen etc., as well as in the artistic sense, in which a large range of creative techniques were deployed to augment or challenge particular visions of society taking hold. Through the various tactics and roles performed over the course of this ongoing movement, anonymous modes of collectivity developed through people stepping into the protests and taking up the “roles”. Actions repeat, gathering a force toward a dissemination, transformation and transmutation of the material conditions for generating and actualizing a collective vision. These various modes of activist and artistic production are also offering us new models for thinking about labour (labour isn’t free, where do we spend our time?), including our labour as citizens. The movement has moved between the public spaces of the province and online sites through which ideas, techniques and affective charges were spread. Online sites have and continue to act as archives of globalized dissent. We think of the archive as a living iterative process of relations that doesn’t just store information and signify it as ‘a time past’. It is also a site of and for (re)performance. That is to say, printemps québécois is now part of a networked lineage of social dissent in Quebec, including previous successful student strikes, and other mass performances of social and political reorientation and resistance such as the Iraq war protests. This includes re-performing techniques of social protests, like the Chilean and Argentinan cacerolazo re-activated as les casseroles in our neighbourhoods. This special issue launches a journal with a vision that had been germinating beneath the surface for years, but was born out of the necessity of the extraordinary upsurge of collective energy for a new kind of ‘performance’. It seeks to archive and generate reflection on the various interventions being deployed as a resource for those here and elsewhere. However, it also seeks to extend and inspire the ever changing repertoire of collective possibilities. In launching this issue we did what so many have done over the course of the building of the student strike and social movement that has become famous under the sign of the red square; we formed a collective and reached out. We are students and teachers, artists and intellectuals, Francophones and Anglophones from universities that rarely crossed the language divide, and we also perform outside university structures. The issue extended a call to others to share their work and to generate new work. It is polyphonous like the movement itself. Interventions take a diverse range of forms: essays, performances, videos, installations, song, poetry, puppetry and more. This issue has also been designed to snowball and to re-launch, each launch acting as a repetition and rehearsal of and for the future, in which new work will be featured alongside existing interventions. We are launching it on March 22nd, one-year anniversary of the first “mass” (~300,000 person) protest march against the tuition hikes. We launch it in the midst of renewed organizing against police brutality, against tuition indexation, and for a freer more equitable society. We will re-launch with new work every Friday until April 22nd. Stay tuned, check back, and join us.